Aussi appelé « syndrome d’épuisement professionnel », le burn-out peut se définir comme étant un « épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel » (Schaufeli WB & Greenglass ER). A l’origine, le burn-out a été mis en avant pour décrire la situation dans laquelle se trouvait le personnel médical, qui, investit par leur mission et témoin direct de la souffrance de leurs patients, se sont retrouvés dans un état de grande détresse. Ce terme s’est par la suite élargie aux métiers qui étaient en lien direct avec un public en difficulté (enseignant, travailleurs sociaux, police…), puis à toutes les professions. Aujourd’hui, nous parlons même de « burn-out parental » ou encore de bore-out (ennui au travail) voire même de burnout autistique.
“Ecartèlement entre ce que les gens sont et ce qu’ils doivent faire. Erosion des valeurs, de la dignité, de l’esprit et de la volonté – érosion de l’âme humaine. C’est une souffrance qui se renforce progressivement et continuellement, aspirant le sujet dans une spirale descendante dont il est difficile de s’extraire”
Maslach et Leiter, 1997
L’analogie que l’on pourrait faire avec une personne qui souffre d’un burn-out serait celle d’un immeuble qui brûle de l’intérieur, mais dont la surface extérieure, les murs, reste intacte. Aux yeux des gens, il n’y parait rien.
Le burn-out apparaît presque brutalement lorsque le travailleur ressent un écart trop important entre ses attentes, la représentation qu’il se fait de son métier et la réalité de son travail. Il a épuisé son stock énergétique et il n’a soudain plus les ressources pour faire face aux exigences de son travail.
Quelles sont les causes d’un burn-out ?
Chaque travailleur est unique et chaque cas est différent. Le burn-out peut toucher aussi bien les salariés que les chefs d’entreprise. Chacun d’entre nous composera aussi avec sa propre histoire, son passé, ses attentes. Mais très souvent, nous pouvons retrouver les points suivants:
- intensité du travail (surcharge physique et mentale, objectifs et délais irréalisables…)
- exigences émotionnelles (contact direct avec la souffrance ou la mort)
- fort investissement (empiétement sur la vie privée)
- manque d’autonomie
- détérioration des relations professionnelles (conflits, manque de soutien, style de management…)
- culture organisationnelle en contradiction avec ses valeurs
- insécurité de l’emploi
Freudenberg et North, en 1992, ont établi une liste de 12 étapes successives pouvant conduire au syndrome du burn-out :
- Faire preuve d’un excès d’ambition et de montrer que l’on est capable voire le meilleur, au point de mener à l’obsession et en acharnement ;
- Négliger ses propres besoins ;
- Sacrifier de son temps personnel pour en faire toujours plus ;
- Prise de conscience lente et progressive d’un déséquilibre interne ;
- Les besoins non professionnels perdent en importance et laissent la place au travail ;
- Le comportement devient rigide, la surcharge de travail est niée ;
- Une attitude cynique s’installe petit à petit ;
- La personne ne se reconnait plus dans ce qu’elle fait et se « robotise » ;
- Une perte de la perception de soi s’installe ;
- La personne va commencer à se déprécier, à avoir une faible estime d’elle-même et à douter de ses compétences professionnelles ;
- Importante démotivation, anhédonie ;
- Epuisement total.
Les chiffres de la détresse au travail en forte hausse
L’apparition du burn-out est principalement due à des conditions de travail en lien direct avec la souffrance d’autrui, mais pas que. Très souvent, il concerne des personnes ayant une grande conscience professionnelle, qui sont désireux de prouver de quoi ils sont capables, qui en font toujours plus quitte à empiéter sur leur vie privée, et qui n’ont pas la reconnaissance associée à tous leurs efforts. Elles sont dans une logique de qualité empêchée. On ne leur donne pas les moyens d’aller plus loin. Elles sont par moment mise au banc de l’entreprise. Ce sont aussi celles et ceux qui ne trouvent plus de sens à leur travail ou dont la culture organisationnelle leur échappe qui sont concernées.
La considération des salariés est grandement sous-estimée par les managers, les dirigeants, qui ont surtout une vue sur la rentabilité. L’augmentation récente du nombre de personnes concernées par le burnout est le prolongement d’une dégradation des conditions de travail. Une individualisation et une perte de solidarité au travail peut aussi être en lien avec l’augmentation, à cause d’un manque de relations sociales. Le lien social, la solidarité au sein de l’entreprise est un des facteurs décrit par Maslach. Il ralentit voire diminue les effets néfastes du burn-out sur le salarié. Savoir que l’on n’est pas seul, que l’on peut partager une expérience avec quelqu’un qui est en capacité de comprendre car à la même place.
Cette augmentation pourrait aussi s’expliquer par nos valeurs actuelles qui reposent sur l’implication au travail et qui empiète sur le domaine privé. L’empiètement de la sphère privée est importante à prendre en compte, surtout avec l’évolution du télétravail. L’identité professionnelle fait partie intégrante de l’identité sociale, mais il faut pouvoir distinguer les deux, créer une vraie séparation, garder un cadre et des horaires. Le travail peut-être une réelle source d’épanouissement lorsqu’il est réalisé dans de bonnes conditions !
Quelles sont les conséquences d’un burn-out ?
Le burn-out est la finalité d’une confrontation régulière à plusieurs des situations citées ci-dessus. Il est la conséquence d’un déséquilibre entre l’énergie dépensée et les ressources dont nous disposons. Si vous n’avez plus de ressources nécessaires pour faire face aux exigences de votre emploi, vous êtes vidée, littéralement.
Christina Maslach, qui a mis au point le MBI (Maslach Burn-out Inventory, test de détection du burn-out), a mis en exergue le syndrome d’épuisement professionnel comme étant un processus de dégradation du rapport subjectif au travail à travers trois dimensions : l’épuisement émotionnel (sentiment chronique d’épuisement), le cynisme quant au travail (dépersonnalisation, déshumanisation, indifférence) et l’atteinte de l’accomplissement personnel au travail (baisse de l’efficacité professionnelle).
Maslach parle donc d’un processus de dégradation du rapport subjectif au travail via trois dimensions:
1 – L’épuisement émotionnelle
Aussi appelé syndrome anxieux dépressif. C’est le sentiment d’être vidé de ses ressources. La première manifestation du burn-out serait la fatigue extrême due à une exposition continue à des facteurs de risques psycho-sociaux (RPS) très prégnants. Les temps de repos ne suffisent plus à soulager cette fatigue, tant émotionnelle que physique (surcharge émotionnelle et épuisement), marquée par l’appréhension de devoir aller travailler, et qui devient chronique. La personne a du mal à entrer en relation émotionnelle avec son entourage, lui conférant une impression de froideur, d’hypercontrôle.
2 – Le cynisme par rapport au travail
L’attitude devient négative, dure, détachée par rapport au travail et aux personnes, comme une barrière entre soi et les autres. Cela correspondrait à un mouvement d’auto préservation face aux exigences émotionnelles du métier auxquelles la personne ne peut plus faire face, une stratégie d’adaptation en réponse à la sur sollicitation ressentie. Caractérisée par une perte d’empathie ou une déshumanisation de la relation à l’autre, pouvant s’apparenter à une forme de mépris envers les personnes dont on a la charge ou la responsabilité. Réaction souvent teintée de cynisme et de rigidité envers des personnes ayant besoin d’aide. Toutefois, la dépersonnalisation joue, d’un autre côté, un rôle protecteur, permettant à la personne de prendre du recul psychologiquement par rapport à ses interlocuteurs dans le but de se protéger des effets néfastes de l’épuisement émotionnel, mais joue aussi un rôle négatif lorsque l’accomplissement personnel se réduit à l’extrême.
3 – La baisse de l’accomplissement professionnel
Dévalorisation de soi. Sentiment d’être inefficace dans son travail et de ne pas être à la hauteur du poste. Démotivation et culpabilité. Travail marqué par un fort sentiment d’échec personnel, la croyance que les objectifs fixés ne sont pas atteints, d’où une diminution de l’estime de soi et une frustration intense. L’individu pense ne pas être à la hauteur des exigences de sa profession car il a une perte de confiance dans ses compétences. Les idéaux qui régnaient au début de sa carrière ont disparu, entraînant un fort absentéisme et un profond désinvestissement
Les différentes manifestations du burn-out
Le burnout peut se traduire cumulativement de cinq manières sur l’individu, et d’une sixième conséquence pour l’entreprise, à savoir des manifestations :
- émotionnelles :
peur mal définies, tension nerveuse, humeur triste, manque d’entrain, irritabilité, tension, hyper ou hyposensibilité, labilité émotionnelle, susceptibilité, méfiance, tristesse voire désespoir, relation avec les autres de plus en plus difficile pouvant déclencher violence ou renoncement, démotivation, insatisfaction dans le travail, plaintes répétées, frustration et colère accrues car on vous empêche d’atteindre vos objectifs ;
- physiques (plus fréquentes) :
trouble du sommeil, fatigue chronique, tensions musculaires, douleurs rachidienne (dos, nuque), céphalées, nausées, vertige, lassitude, troubles digestifs, maladies cardio-vasculaires, troubles du comportement alimentaire (anorexie, boulimie, etc.), troubles de la sexualité, réduction des défenses immunitaires pouvant amener à des maladies graves ; risques d’accidents du travail ou de la route du fait d’une inattention et d’une lassitude croissantes ;
- comportementales ou interpersonnelles :
repli sur soi, isolement social, comportement agressif voir violent (car diminution de la tolérance à la frustration), diminution de l’empathie, ressentiment et hostilité envers ceux qu’il côtoie, pseudo-activisme, entêtement, omniprésence ou au contraire apathie, ralentissement du rythme d’activité, augmentation des erreurs, manque de flexibilité, isolement, absentéisme, addictions en tout genre (tabac, alcool, etc.) ;
- motivationnelles ou liées à l’attitude :
désengagement progressif, baisse de la motivation, moral en berne, effritement des valeurs associées au travail, doute sur ses compétences, remise en cause professionnelle, dévalorisation, baisse d’estime de soi, envie de tout laisser tomber
- cognitives :
capacité de traitement de l’information atteint, difficulté à réaliser plusieurs tâches en même temps, à nuancer, à prendre des décisions, augmentation des fautes et des oublis, diminution de l’attention, de la réflexion et de la créativité, troubles du jugement, incapacité à prendre une décision, difficultés mnésiques (problème de concentration et d’apprentissage), développement des pensées rigides, baisse des performances intellectuelles (diminution de la concentration et de la rapidité), perte du sens du travail et des objectifs, mémoire défaillante
- institutionnelles :
absentéisme, abandon du travail, diminution de la productivité, manque de rigueur dans les objectifs à atteindre, augmentation des erreurs professionnelles, demandes d’indemnisation, sollicitation des caisses d’assurance, coûts des soins et de réhabilitation médicale, etc..
Ce que le burn-out n’est pas
Le burn-out n’est pas une maladie mais un syndrome, une spirale susceptible de conduire au basculement dans la maladie et la désinsertion professionnelle, sociale et familiale.
Le burn-out n’est pas une dépression. Cette dernière touche toutes les sphères de vie, alors que le burn-out n’est centré que sur la sphère professionnelle. La dépression est un état, le burnout est un processus de dégradation. Il serait également moins difficile d’en sortir, à condition de se faire aider.
Quelles sont les différences entre le stress au travail et le burn-out?
Souvent confondus, le stress au travail et le burn-out ne sont pourtant pas similaires. Le burn-out pourrait être considéré comme la conséquence d’un stress prolongé sur le lieu de travail. Voici quelques exemples afin de ne plus les confondre:
Stress au travail | Burn-out |
– Déséquilibre entre les contraintes d’un côté et les ressources pour y faire face de l’autre | – Conséquences des facteurs des RPS sur une longue durée et une incapacité à y faire face |
– Sens du travail pas forcément remis en question | – Conflit de valeur important |
– Peut toucher tout type de travailleur | – Touche surtout ceux accordant beaucoup d’importance au travail |
– Pas forcément d’attitude négative (cynisme, indifférence…) | – Comportement négatif envers autrui (collègue, patient, client, élève…) |
Comment se remettre d’un burn-out ?
Malheureusement, il n’y a pas de recette miracle, mais rassurez-vous, bien pris en charge, vous aurez toutes les chances de vous en sortir.
Plus tôt c’est pris en charge et mieux c’est ! L’expérience montre que plus la durée a été courte entre le début de la situation professionnelle à risque et la prise en charge, et moins cette dernière sera longue.
Pour se remettre d’un burn-out, voici quelques conseils (non exhaustifs) en quelques points:
- prendre son temps: les personnes en burn-out sont généralement celles qui se sont le plus investis, il leur sera probablement difficile d’imaginer être en arrêt un long moment. « Que fera l’entreprise sans moi? » Une grosse phase de culpabilité risque alors de les submerger, mais il faut savoir que reprendre trop vite augmente les risques de retomber plus bas quelques temps plus tard. Il est impératif de savoir prendre son temps pour se remettre d’un épuisement professionnel.
- prendre du bon temps : en effet, être en arrêt c’est une chose, mais savoir ne pas penser au travail en est une autre. Ne pas checker ses mails pour savoir si le bureau va bien par exemple ! Il est essentiel, pour le médecin généraliste, de ne pas prescrire des arrêts de travail à la semaine, car la personne en burn-out ne fera que décompter les jours. Lorsque l’on sait qu’un arrêt pour épuisement professionnel peut durer en moyenne 2 à 3 mois (6 mois à 2 ans pour les profils plus touchés), on peut se dire qu’il est envisageable de poser 3 semaines à 1 mois d’un coup, le mental ne s’en portera que mieux. Pour couper avec la routine : partir (si possible), changer d’air, réaliser des activités que vous n’avez pas pu faire du fait de votre emploi du temps surchargé… pensez à vous !
- adopter les 3 clés : communication / action / respiration. Parler, verbaliser permet d’aller mieux, que ce soit à un proche ou mieux, à un psychologue formé à cette problématique. Bouger, faire du sport permet de se fatiguer, de stimuler les bonnes hormones (l’endorphine) et de mieux dormir. Inspirez profondément, expirer lentement, comme le préconise Christophe André, psychiatre, remplaçons les médi…caments par la médi…tation !
- consulter : je recommande évidemment de parler de ses problèmes à un professionnel, psychologue du travail notamment, car lui seul sera en mesure de confirmer si oui ou non vous faites un burn-out et ce que vous devrez faire, en fonction de votre situation propre, pour vous trouver sur le chemin d’un mieux-être.
- être bien entouré : et pour vous l’expliquer, je vais tout simplement citer Boris Cyrulnick, neurologue et psychiatre: « La souffrance n’est pas objective. Face à un même fracas, deux individus pourront faire preuve de réactions aux antipodes. En revanche, on sait maintenant par expérience que la probabilité, chez une victime, de rebondir est indexée au degré de sécurisation que produisent famille, amis, collègues, pouvoirs publics, histoire et culture personnelles. Un individu dépourvu d’une telle solidarité ne se redresse pas. Le tranquillisant le plus efficace n’est pas le médicament chimique ; c’est l’autre – le parent, le conjoint, le camarade – et particulièrement la confiance qu’ensemble ils ont tissée et ici donne toute sa force. »
- améliorer les conditions de travail : après s’être reposé, il y a évidemment la phase de reprise. Celle-ci doit se faire avec beaucoup de précaution. N’y songer que si l’on se sent prêt, ne pas anticiper et brûler des étapes. Lorsque penser au travail ne nous angoisse plus autant qu’avant et lorsque la liste de symptômes s’est considérablement amoindrie, vous pourrez commencer à imaginer la reprise professionnelle. Oui mais pas dans les mêmes conditions. Il faudra alors vous poser la question des raisons qui ont causées votre départ : surcharge, style de management, culture organisationnelle, cœur du métier? Il est possible que la solution soit de se reconvertir professionnellement ou de changer d’entreprise, mais il est également envisageable d’améliorer les conditions de travail. Commencer par travailler 30 à 50% d’un temps plein peut s’avérer nécessaire pour une reprise en douceur, l’augmentation du temps de travail se fera progressivement.
Pour conclure
Même si nous en entendons parler de plus en plus autour de nous, le burn-out n’est pas un effet de monde mais juste la conséquence d’un mode de vie différent de celui d’avant, certainement plus stressant, plus rapide, plus compétitif. Comme vous avez pu le voir, il existe de nombreuses méthodes pour se sortir progressivement d’un burn-out. Prenez votre temps pour vous poser les bonnes questions ainsi que pour lâcher la pression.
Maslach, C., & Leiter, M. P. (1997). The truth about burnout: How organizations cause personal stress and what to do about it. Jossey-Bass.
Schaufeli WB and Greenglass ER. Introduction to special issue on burnout and health. Psychol Health 2001;16(5):501-10.