Depuis peu, la France prend enfin en considération la souffrance au travail. Trois terminologies ont alors émergé : le burn-out, le bore-out et le brown-out. Sous leur anglicisme, que veulent dire exactement ces mots et quels sont les impacts sur notre santé à tous ?
En quelques mots, le burn-out est aussi appelé « syndrome d’épuisement professionnel » et est le plus connu des trois pathologies. Il est la conséquence d’une trop grande surcharge de travail menant à une importante fatigue physique et psychologique. Le bore-out, quant à lui, est comme qui dirait l’inverse du burn-out, à savoir la conséquence d’une trop faible quantité de travail et d’un ennui professionnel. Pour ce qui est du brown-out, il correspond à un épuisement dû à une perte de sens au travail. Mais voyons plus en détails les caractéristiques, similitudes et différences qui définissent ces trois termes.
Le burn-out
Le burn-out est le plus connu des trois. C’est certainement parce qu’il est le résultat de conditions de travail statistiquement plus souvent rencontrées. Il fait suite en effet à une charge intense de travail couplée à un surinvestissement du travailleur, un désir de faire ses preuves et de ne pas compter ses heures, quitte à empiéter sur la vie privée.
Les origines
Mis en exergue par Freudenberg, psychiatre américain au milieu des années 1970, le burn-out était attribué à l’épuisement professionnel que pouvait rencontrer les personnels soignants, à savoir ceux qui côtoyaient la souffrance et la mort au quotidien. En effet, il s’agit « d’un épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel. » Les causes peuvent être diverses en fonction des ses caractéristiques inter et intrapersonnelles, à savoir :
- la charge de travail intense
- le contact direct avec la souffrance
- un fort investissement personnel
- un manque d’autonomie
- de mauvaises relations de travail
- une culture organisationnelle inadéquate
- une insécurité quant au maintien à l’emploi
Les conséquences
Christina Maslach, psychologue américaine, a mis au point un questionnaire permettant d’objectiver la manifestation d’un burn-out selon trois conséquences :
- l’épuisement émotionnel
- la dépersonnalisation
- la diminution de l’accomplissement professionnel
En effet, telle une suite logique dans l’apparition des symptômes, ce test permet de mettre des mots sur une situation professionnelle néfaste. De manière un peu plus élargie, nous pouvons dénombrer de multiples conséquences du burn-out, sans parler du coût pour l’entreprise. Nous pouvons les répertorier comme tel, à savoir des manifestations :
- émotionnelles : humeur triste, anhédonie, manque d’entrain, irritabilité, tension, hyper ou hyposensibilité, susceptibilité, méfiance, tristesse, désespoir, démotivation, insatisfaction professionnelle, frustration, colère
- physiques : trouble du sommeil et de l’alimentation, fatigue, tensions musculaires, céphalées, nausées, vertige, maladies cardio-vasculaires, diminution des défenses immunitaires
- comportementales : isolement social, comportement violent, antipathie, entêtement, omniprésence ou apathie, augmentation du nombre d’erreurs, manque de flexibilité, isolement, absentéisme, addictions (tabac, alcool…)
- motivationnelles : désengagement progressif, diminution de la motivation, effritement des valeurs associées au travail, doute concernant ses compétences, remise en question professionnelle, dévalorisation, baisse d’estime de soi
- cognitives : altération du traitement de l’information, difficulté à réaliser plusieurs tâches en même temps, prise de décisions difficiles, augmentation des oublis, diminution de l’attention, de la réflexion et de la créativité, troubles du jugement, incapacité à prendre une décision, troubles mnésiques, baisse des performances intellectuelles
Le bore-out
Le bore-out peut se caractériser comme étant une forme d’épuisement professionnel par l’ennui résultant d’une sous-charge de travail quotidienne et d’un manque de motivation. Considéré comme inutile au sein de son entreprise ou encore de n’avoir été embauché pour rien, le salarié se désintéresse progressivement de son travail au point de ne plus vouloir aller travailler. Malgré ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas une bonne chose que de n’avoir rien à faire de ses journées de travail. Prenons l’exemple d’un vendeur dans un magasin de vêtements qui ne verrait pas un seul client potentiel de la journée, et que cette situation se répète au quotidien…
Les origines
Apparu dans les années 2000, Rothlin et Werder ont voulu mettre en avant une situation d’ennui professionnel extrême caractérisée par une perte d’enthousiasme et ayant des conséquences néfastes sur le bien-être des individus. Cet ennui est la conséquence d’une absence cruelle de tâches significatives à réaliser et de défis à relever. Le salarié ressent une inutilité et une perte de temps néfastes pour son bien-être. C’est ainsi que le terme de bore-out est apparu, en réponse à son prédécesseur, le burn-out.
Les conséquences
Les conséquences du bore-out peuvent se rapprocher de celles du burn-out, tant sur le plan physique (trouble du sommeil et de l’alimentation, addiction…) que psychologique (stress, anxiété, dévalorisation, perte d’estime de soi, démotivation, dépersonnalisation, tristesse…). Les conséquences sur le travail sont également importantes : diminution des performances, désintérêt pour l’emploi, absentéisme, turn-over…
Le brown-out
Le troisième de la liste est le suivant, le brown-out. C’est une forme d’épuisement professionnel caractérisée par la perte de sens au travail. Il pourrait se traduire par l’expression « démission intérieure » ou littéralement par « baisse de courant ». Le salarié trouve que les tâches sont absurdes et ne comprend pas pourquoi il doit les réaliser, dans quel but. Il est toujours opérationnel mais il démissionne mentalement de son activité professionnelle. Il ne trouve plus d’intérêt et de goût à la poursuivre correctement. Une dégradation de sa motivation s’installe, ainsi qu’une incompréhension prononcée vis-à-vis des finalités de son activité professionnelle.
Les origines
Plus récent que le burn-out et que le bore-out, le brown-out fait suite aux recherches de David Graebler, anthropologue et professeur à la London School of Economics. Il a mis en avant la notion de « bullshit job », familièrement traduit par « travail à la con ». Ces métiers concernent tous ceux qui paraissent comme étant vides de sens, inutiles, sans intérêt. Les personnes principalement concernées par ce brown-out seraient celles possédant un bon niveau d’études et quelques diplômes, et dont le travail ne les sollicite pas à la hauteur de leurs compétences.
Les conséquences
Parmi les différents symptômes du brown-out, nous pouvons retrouver la liste suivante :
- sensation d’être inutile au travail
- remise en question, tant sur le plan professionnelle que personnelle
- démotivation, lassitude, difficulté d’attention et de concentration
- repli sur soi, dépersonnalisation, perte d’estime
- anxiété
Comment vaincre toutes ces formes d’épuisement professionnel?
Il n’est pas évident de vaincre ces formes de souffrance au travail, il ne faut donc pas les sous-estimer. Cela peut prendre du temps et surtout nécessite de devoir prendre des décisions. Cependant, il est tout à fait possible de se sortir de n’importe quelle situation professionnelle dangereuse.
Tout d’abord, il est capitale d’être bien diagnostiqué. Souvent, nous savons qu’il y a comme un malaise ou que quelque chose ne va pas. C’est généralement l’entourage qui se rend compte en premier qu’il y a un changement dans la personnalité, un dysfonctionnement dans le nouveau mode de vie. Ecoutez ce que les gens ont à vous dire.
Si vous commencez à prendre conscience d’un déséquilibre, commencez par faire une pause et regardez votre situation professionnelles avec du recul. Parlez-en autour de vous, à vos proches, afin d’avoir peut-être un moyen de comparaison ou un avis sur la question. N’hésitez surtout pas à aller consulter un psychologue. Lui seul aura les connaissances et l’objectivité de poser un diagnostic et de vous donner les clés pour vous en sortir. Chaque solution est directement liée à votre personnalité, votre mode de fonctionnement et votre vie professionnelle.
Vous pouvez toujours essayer de trouver des échappatoires (faire discrètement trainer les tâches à effectuer sur la durée pour le bore-out, faire du présentéisme pour le brown-out, etc.) mais cela ne durera qu’un temps. Vous ne pouvez pas vous mentir à vous même. Qu’il faille modifier les conditions de travail en profondeur ou changer de métier, avec ou sans reconversion, sortir d’un état d’épuisement professionnel, quel qu’il soit, passera nécessairement par cette étape de changement.
Pour conclure
Nous mettons désormais des mots sur nos maux et il n’est certainement pas anodin de ressentir un mal-être au travail. Burn-out, bore-out ou brown-out, il ne faut pas se contenter d’avoir un métier et d’en pâtir à côté. S’épanouir professionnellement est possible, sans forcément rentrer dans le débat du « job passion ». Ecoutez-vous, respectez-vous, soyez-vous même.